De plus en plus, des infractions graves - allant des coups et blessures volontaires à la corruption - sont perpétrées par des individus hautement qualifiés
Dans un contexte où la République Démocratique du Congo connaît une montée préoccupante de la criminalité, il est devenu impérieux d’ouvrir le débat sur l’adaptation de son droit pénal aux réalités socioculturelles et éducatives contemporaines. De plus en plus, des infractions graves - allant des coups et blessures volontaires à la corruption - sont perpétrées par des individus hautement qualifiés, titulaires d’un master ou d’un doctorat, que la société est en droit de considérer comme mieux avertis et moralement responsables. L’idée d’un système de peines proportionnelles au niveau de formation scolaire mérite, à ce titre, d’être analysée.
Dans le monde moderne, de nombreuses législations prévoient des dispositions d’exception, qu’il s’agisse des lois antiterroristes ou des sanctions renforcées en matière de criminalité financière, qui ciblent certaines catégories d’infractions et d’auteurs
Historiquement, le Code d’Hammourabi en Mésopotamie antique illustrait déjà la recherche d’un équilibre entre faute et sanction à travers la loi du talion : œil pour œil, dent pour dent. Si cette règle brutale ne saurait être reprise telle quelle au XXIe siècle, elle invite à réfléchir sur la proportionnalité des peines en fonction de l’état de conscience de l’auteur. Dans le monde moderne, de nombreuses législations prévoient des dispositions d’exception, qu’il s’agisse des lois antiterroristes ou des sanctions renforcées en matière de criminalité financière, qui ciblent certaines catégories d’infractions et d’auteurs.
Un individu non scolarisé, dont la vulnérabilité intellectuelle est comparable à celle d’un enfant, ne peut être jugé à la même aune qu’un docteur d’université
La société congolaise applique déjà le principe de proportionnalité dans le domaine salarial : les avantages et indemnités varient en fonction du diplôme - diplôme d’État, licence, master, doctorat. Dès lors, pourquoi ne pas transposer ce mécanisme dans le droit pénal ? Un individu non scolarisé, dont la vulnérabilité intellectuelle est comparable à celle d’un enfant, ne peut être jugé à la même aune qu’un docteur d’université. Comme le note Beccaria dans Des délits et des peines (1764), la peine doit être adaptée à la conscience de l’acte et au degré de responsabilité de son auteur. Foucault, dans Surveiller et punir (1975), insiste lui aussi sur la fonction pédagogique de la sanction : elle doit corriger, mais aussi responsabiliser.
Concrètement, une réforme du Code pénal congolais pourrait prévoir la graduation suivante pour un même délit de coups et blessures simples (sans ITT) :
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Auteur non scolarisé : 6 mois maximum et amende ;
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Auteur détenteur d’un diplôme d’État : 12 mois ;
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Auteur titulaire d’une licence : 18 mois ;
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Auteur détenteur d’un doctorat : 24 mois.
Une telle réforme présenterait plusieurs avantages. Elle renforcerait la justice équitable, car les peines seraient adaptées au niveau de conscience et de préparation morale des auteurs
. Elle accentuerait la dissuasion pour les élites intellectuelles, dont les comportements délictueux nuisent gravement à l’image du pays, intensifient la misère et la pauvreté. Enfin, elle accroîtrait la crédibilité de l’État de droit, en démontrant que la République punit avec discernement, sans complaisance envers les plus instruits.
Comme le soulignent Merle et Vitu dans leur Traité de droit criminel ou encore Jean Pradel dans Droit pénal général, l’individualisation des peines est un principe cardinal de toute justice moderne. L’adapter au contexte congolais, en tenant compte du système Licence-Master-Doctorat (LMD), permettrait d’ériger une justice véritablement éducative et proportionnelle.
Opter pour ce type de peines, c’est aussi reconnaître que l’instruction, qui ouvre les portes des honneurs, privilèges, faveurs et avantages sociaux, doit également alourdir la balance des responsabilités pénales
La réforme du Code pénal congolais doit évoluer vers un système où la peine est proportionnelle non seulement à la gravité de l’infraction, mais aussi au niveau de conscience et de formation scolaire de l’auteur. Une telle réforme permettrait de répondre aux défis actuels de la criminalité, notamment celle perpétrée par les élites instruites, et d’instaurer une justice à la fois plus équitable, dissuasive et conforme aux principes modernes des droits humains : une justice qui assure la paix, la concorde nationale et le développement intégral en RD Congo. Opter pour ce type de peines, c’est aussi reconnaître que l’instruction, qui ouvre les portes des honneurs, privilèges, faveurs et avantages sociaux, doit également alourdir la balance des responsabilités pénales.
Claude Kazadi Lubatshi
En collaboration avec Me Naomie Enama
Ci-après, les 20 références (textes, doctrine et ressources comparatives) exploitées :