En 2011, le même exploit a été réédité, malgré les protestations de l’opposition. L’article 71 portant sur le nombre de tours du scrutin présidentiel a été modifié pour être réduit à un seul tour : ce qui excluait l’organisation du débat contradictoire entre les deux candidats qui auraient obtenu les plus des suffrages exprimés au premier tour du scrutin à deux tours

Contrairement au mot d’ordre et assurances données par les autorités, lundi 19 janvier 2015, Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo ainsi que la ville de Goma (chef-lieu de la province du Nord-Kivu)  ont été en ébullition à la suite de l’appel à protestation initié par des politiciens de l’opposition contre la révision de la loi électorale, essentiellement l’alinéa 3 de l’article 8 de ce projet, selon lequel, les prochaines échéances électorales seraient subordonnées à l’identification de la population pour corriger et actualiser les listes électorales, pour une meilleure transparence électorale, dirait-on.

Une question traverse les esprits : la nouvelle loi électorale proposée par Évariste Boshab, ministre de l’intérieur et secrétaire général du PPRD, serait-elle conforme à la stratégie légendaire de ce parti qui voudra qu’à la veille de tout scrutin présidentiel quelques amendements soient apportés au texte organisateur de celui-ci? L’on se rappellera qu’en 2006, la constitution a été modifiée même si la population ne s’en est pas aperçue. En effet, l’article 72 alinéa 2 portant sur l’âge minimum d’un candidat présidentiable a été modifié pour accommoder le candidat à la magistrature suprême de ce parti, alors président en exercice de la structure 1+4, celle d’un président assisté de quatre vice-présidents. En 2011, le même exploit a été réédité, malgré les protestations de l’opposition. L’article 71 portant sur le nombre de tours du scrutin présidentiel a été modifié pour être réduit à un seul tour : ce qui excluait l’organisation du débat contradictoire entre les deux candidats qui auraient obtenu les plus des suffrages exprimés au premier tour du scrutin à deux tours. Voilà que l’on s’achemine maintenant vers le scrutin de 2016.

Glissement” pour les uns, “légifération” pour les autres, mais dans les deux cas, la question qui se pose est celle de savoir ce que dit “la population, le souverain primaire?” Pour l’opposition politique, c’est aussi clair qu’elle ne voudrait pas cautionner une loi qui va créer un glissement dans la mesure où elle est susceptible d’octroyer sans élections un nouveau mandat au président de la république, aux sénateurs, aux gouverneurs des provinces, et même aux membres du parlement actuel. Les élus parlementaires de l’opposition sont suffisamment clairs: pas de nouvelle loi électorale d’autant plus que celle-ci veut conditionner la tenue de prochaines élections à l’identification de la population dont les échéances sont floues; absence du calendrier d’identification, calendrier électoral complet pour toutes les prochaines élections. Ces craintes sont aussi alimentées par la position de l’actuel président qui pouvait pourtant calmer le jeu en affirmant haut et fort qu’il respecterait la constitution qu’il a lui-même promulguée en 2011 en déclarant qu’il ne se représenterait pas en 2016.

Au contraire, c’est un mutisme total du côté de la présidence de la république alors que son parti (encore qu’il faudrait vérifier s’il est de ce parti car en 2006, il avait été un candidat indépendant. C’est seulement plus tard que la majorité présidentielle fut formée en collant des morceaux qui venaient d’un peu partout afin de créer une majorité artificielle qui n’a jamais discuté un projet de société qui leur confère une vision commune pour la conduite des affaires de l’État) cherche à justifier le mutisme en utilisant un argument très simpliste “Le président de la république n’a jamais déclaré qu’il se représenterait en 2016”. En politique, il est important dans certaines circonstances comme il l’est présentement dans le contexte de la République Démocratique du Congo (RDC), de donner sa parole en tant qu’homme d’État et de la respecter. Cela aurait évité à la RDC le nombre de morts à Kinshasa et à Goma dans la semaine du 19 au 26 janvier 2015.

La population a effectivement répondu à l’appel de l’opposition politique en vue de protester contre la loi Boshab, essentiellement en son article 8. Mais est-elle porteuse du même message que l’opposition politique? En suivant la situation de près, il semble que la population ait différentes attentes. Entre 2001 et 2006, le message qu’on a martelé à la population était celui de “pacification du pays” après que tous les belligérants aient rejoint la mangeoire à titre de vice-présidents ou ministres. Ce message s’est avéré un vœu pieux puisque jusque très récemment en 2013, une bonne partie de la province du Nord-Kivu dont la ville de Goma était entre les mains des rebelles du M-23. Entre 2006 et 2016, la RDC vibre au rythme de la révolution de la modernité. Le ministère du Plan a même changé de nom et est devenu “Ministère du Plan et de la Révolution de la Modernité”. Là encore, les débats restent ouverts: Où est la révolution de la modernité? À quel pays d’Afrique peut-on se comparer lorsque l’on sait que la RDC, ce pays riche en ressources naturelles (forêts, faune, hydrologiques) et minières se classe, selon le rapport de développement humain de 2013, 186ème pays juste avant le Niger, un pays désertique et pauvre. Le gouvernement continue à vanter la croissance économique et viserait même une croissance à deux chiffres dans les deux prochaines années à venir. Mais, en même temps, le gouvernement n’est pas capable de répondre aux besoins élémentaires de la population (santé, logement, scolarisation des enfants, transport, infrastructures, etc.), sans compter le fait que les salaires des fonctionnaires restent les plus maigres de l’Afrique et sont payés de façon irrégulière.

Ce portrait sociopolitique peint en épais coups de pinceau, la population RDCongolaise pense qu’attendre 2016 ne changera pas grand-chose à sa situation. C’est la raison pour laquelle elle veut en découdre une fois pour toutes avec cette bande de vampires qui s’abreuvent du sang du peuple RDCongolais en réclamant à corps et à cri “le départ du président de la république” qui a trahi par toutes sortes des manœuvres politiques, et avec lui, toutes les autres institutions budgétivores mais qui ne produisent rien pour changer radicalement la vie des populations. En d’autres termes, si depuis 2001 rien n’a changé dans la vie quotidienne des populations, deux ans (le reste du mandant) ne produiront pas non plus un quelconque changement même avec un coup de bâton magique. Voilà la signification de “LEO NJO LEO” que scandaient les Gomatraciens qui sont fatigués avec les guerres successives, les rébellions, les occupations rwandaises et ougandaises, tout cela en dépit des accords et des négociations au niveau national et international.

Ainsi pour la population générale et quelle que soit ce que l’opposition politique va discuter avec le pouvoir kabiliste, la population veut simplement et purement le départ de ce pouvoir improductif. Il ne sert pas d’attendre 2016 puisqu’aucune garantie n’existe quant à la transparence des élections, d’une part, et à l’alternance politique, d’autre part. Un membre du PPRD élu en 2016 entraînerait la continuité de ce pouvoir décadent, ce qui se traduirait par une perte de temps pour la population qui, comme les Israélites, attend toujours la manne tomber du ciel. Contrairement aux Israélites, cette manne tarde, et elle tarde encore. Aucun espoir n’est envisageable avec le PPRD.

Il appert que  la population et l’opposition politique ne parlent pas le même langage: deux voies, des approches, deux visées!

À bon entendeur salut!