John Magufuli succède à  Jakaya Kikwete à la magistrature suprême

La Tanzanie vient d’organiser au mois d’octobre dernier, les élections présidentielles qui ont vu une victoire de Chama Cha Mapinduzi (CCM), appelé “le Parti de la Révolution”, un peu à l’image du “Mouvement Populaire de la Révolution (MPR)” en République Démocratique du Congo (RDC): John Magufuli succède à  Jakaya Kikwete à la magistrature suprême. Ce qui est impressionnant dans ce parti “unique” au pouvoir depuis l’indépendance du pays en 1963, c’est qu’il y a une forme de démocratie incontestée au sein du parti, du moins si l’on analyse en terme du nombre de présidents qui se sont succédés à la tête de ce pays.

Tenez, en 55 années d’indépendance, tous les présidents qui se sont succédés en RDC sont issus de différents partis et ne sont jamais “élus” en tant que tel. De 1960 à 65, le règne du Président Kasa Vubu, issu de l’Alliance des Bakongo (ABAKO) fut brutalement interrompu par le coup d’état qui porta Josepth-Désiré Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wazabanga au pouvoir du le 24 novembre 1965 au 17 mai 1997. Ce dernier fonda en passant le MPR mais il ne réussit pas à installer la démocratie. Au contraire, il réussit à manipuler tous les acteurs politiques et à se créer un orchestre et des musiciens qui, pour orner les manifestations, sont accompagnés par de belles danseuses et danseurs. Il fut chassé du pouvoir le 17 mai 1997 par l’Alliance des Forces Démocratiques et de Libération du Congo (AFDL) de Laurent-Désiré Kabila (LDK), comme si les alliances étaient porteuses de pouvoir en RDC. LDK fut à son tour assassiné vers le 16 janvier 2001 par des inconnus qui courent la rue jusqu’à ce jour puisqu’aucun procès, même pas celui organisé par son fils successeur, Joseph Kabila (JK) le 20 janvier 2001 n’a jusqu’ajourd’hui mis la main sur les criminels qui ont mis fin au règne de LDK. Arrive enfin JK en 2001, tantôt membre du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) et candidat Président de ce parti, tantôt candidat indépendant puisque voulant faire l’inanimité dans la classe politique au lieu de se coller l’étiquette d’un parti. Les élections présidentielles de 2006 et 2011 n’ont jamais connu le vrai vainqueur en plus de connaître de “Président auto-proclamé” qui reclame jusqu’à ce jour l’impérium qui ne viendra jamais, mais comme le paradis, nous espérons qu’il finira par arriver.

Malgré ces turbulences, CCM a pu conserver le pouvoir grâce au travail et au respect du mot d’ordre des instances du parti

Contrairement à ce tableau sombre de la RDC, l’histoire du CCM en Tanzanie est plutôt équilibrée et plein de dynamisme interne mais aussi empreinte de démocratie. Loin de nous l’idée de prétendre en une quelconque perfection, mais le CCM semble jouer le franc jeu quelque part. Alors qu’en RDC, des professeurs d’université chantent comme des rossignols que JK est le seul capable de diriger la RDC, le CCM s’organise et garde le pouvoir pendant 52 ans depuis l’indépendance du pays (alors Tanganyika) le 09 décembre 1961 sous la conduite de l’universitaire Julius Nyerere, un enseignant né en 1922. Le Tanganyika fusionnera avec le Zanzibar le 26 avril 1964 pour former la République Unie de Tanzanie. Loin de nous l’idée de faire une histoire exhaustive de ce pays, mentionnons que CCM a été talentueuse et a conservé intelligemment le pouvoir de manière civilsée depuis l’indépendance. Notez: Julius Nyerere quitte le pouvoir en 1985 après 24 ans au pouvoir sans pression externe, contrairement à plusieurs chefs d’États africains (Sekou Touré en Guinée, Mobutu en RDC, Blaise Compaoré au Burkina faso, etc.). Ali Hassan Mwinyi, originaire de l’archipel de Zanzibar et membre du CCM, alors vice-Président, prend la direction du pays sans heurts ni violence. Il dirige le pays jusqu’en 1995 puis il organise les élections multi-partites qui voient la victoire d’un disciple de Julius Nyerere, le nommé Benjamin William Mkapa. Ce dernier est réélu en 2000. En 2005, un autre membre du CCM (Jakaya Kikwete) est élu; il sera rélélu en 2010. Enfin, les élections de 2015, les plus turbulentes de l’histoire politique du pays qui voient la montée du parti d’opposition Chama cha Demokrasia na Maendeleo (CHADEMA) signifiant Parti pour la Démocratie et le Progrès, pour faire une similitude avec l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social en RDC. Malgré ces turbulences, CCM a pu conserver le pouvoir grâce au travail et au respect du mot d’ordre des instances du parti.

Aussi impressionnant que l’architecture politique du pays ne permet pas le recours aux armes ou à la violence, ni à la haine tribale

Ce qui est impressionnant dans ce parcours, c’est qu’il y a tout d’abord une démocratie au sein du parti. À lire les choses de près, les acteurs politiques qui se sont éloignés de ce parti, en l’occurrence Edward Lowassa, ancien premier ministre du pays, accusé de corruption, font peut-être de ces aigris qui cherchent le pouvoir pour le pouvoir. Il a chaviré en dernière minute, quittant le CCM pour migrer vers CHADEMA. Enfin, ce parti opère toujours en unisson à partir du moment où un candidat, un peu à l’image des primaires américaines, a gagné l’investiture du parti CCM. Aussi impressionnat que l’architecture politique du pays ne permet pas le recours aux armes ou à la violence, ni à la haine tribale. Une fois de plus, les élections tanzaniennes ne sont pas parfaites. Les dernières élections seraient entachées de fraude et de tricherie, mais il y a des leçons à tirer our les pays qui peinent à installer la démocratie. En effet, la démocratie “la vraie” devrait commencer au sein même du parti. Malheureusement, de nombreux partis politiques en Afrique sont en fait dirigés par des dictateurs démocratiques. Comment peut-on prétendre être démocrate et organiser des élections dites démocratiques lorsqu’on ne croit même pas en la démocratie? C’est comme vouloir mettre dans une même assiette Dieu et Satan, une cohabitation impossible. Ainsi, une des voies pour promouvoir la démocratie en Afrique, c’est d’abord de promouvoir la démocratie au seinmême des partis politiques. Une étude minitieuse, en prenant le parti politique comme unité d’analyse, démontrerait que nos partis politiques sont des mini-dictatures où les Chefs se comportent comme des chefs coutumiers, et les membres n’ont qu’un pouvoir superficiel qui ne doit jamais toucher au pouvoir du chef suprême. C’est ainsi qu’on entendra parler de “Leader Charismatique”, “Autorité Morale”, “Guide éclairé”, etc. Ces appelations ne sont que des formes déguisées des dictatures qui ne disent leurs noms.

 Repenser la démocratie en Afrique devrait d’abord et avant tout, être une refondation des partis politiques

            Si on revient en RDC, il suffit d’analyser certains grands partis: l’UDPS est dirigé par un président national depuis les années 1980 et il ne peut être remplacé quand bien même son bulletion de santé, nous en avons parlé dans l’une des éditions passées, ne lui permet pas d’accomplir des tâches intellectuelles et physiques. Le Mouvement de Lib.ration du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba est dirigé par un président en prison depuis 2007. Peut-on penser qu’un parti qui se veut organisé et vise le pouvoir peut se permettre une erreur logique de cette manière. Qui va nouer les contacts? Rencontrer les interlocuteurs? Présenter la vision du parti?

            Pour conclure, repenser la démocratie en Afrique devrait d’abord et avant tout, être une refondation des partis politiques. Comment les partis politiques sont-ils créés et commet fonctionnent-ils quotidiennement, hebdomadairement, mensuellement, et annuellement? Les dirigeants des partis sont-ils redevables à leurs bases, ou utilisent-ils leurs bases comme un simple marchepied? Les intouchables ne devraient pas exister dans une démocratie. Enfin, ces veilletés n’existent pas seulement en Afrique, mais la différence c’est qu’ailleurs les balises existent. Un exemple de ces veilletés peut être signalée en France où Nicolas Sarkozy après avoir échoué aux élections de 2012 revient brillamment et arrache tout de même la direction du parti. De même, Poutine après avoir mis momentanément son pion Medlev au pouvoir est revenu reprendre le pouvoir. Mais cela doit constituer l’exception et non la règle. Mais en Afrique c’est plutôt la règle. 

Zacharie Tsala Dimbuene, Phd